La responsabilité des entreprises en cas de pollution des eaux

La pollution des eaux par les entreprises est un enjeu environnemental majeur. Quelles sont les responsabilités légales des sociétés en cas de contamination des ressources hydriques ? Cet article examine le cadre juridique et les sanctions encourues.

Le cadre légal de la protection des eaux

La législation française comporte plusieurs textes visant à protéger les ressources en eau :

Le Code de l’environnement pose le principe général de protection des eaux et milieux aquatiques. Il interdit tout rejet direct ou indirect de substances polluantes dans les eaux superficielles ou souterraines.

La loi sur l’eau de 1992, complétée en 2006, définit la gestion équilibrée de la ressource en eau comme d’intérêt général. Elle instaure un régime d’autorisation ou de déclaration pour les activités ayant un impact sur l’eau.

La directive-cadre européenne sur l’eau de 2000 fixe des objectifs de qualité des masses d’eau à atteindre par les États membres.

Les obligations des entreprises

Les sociétés sont soumises à plusieurs obligations en matière de prévention de la pollution des eaux :

– Obtenir une autorisation préfectorale pour tout rejet d’eaux usées industrielles

– Mettre en place des systèmes d’auto-surveillance de leurs rejets aqueux

– Respecter des valeurs limites d’émission fixées par arrêté préfectoral

– Traiter leurs effluents avant rejet dans le milieu naturel

– Déclarer tout incident de pollution aux autorités

La responsabilité civile en cas de pollution

En cas de pollution avérée, la responsabilité civile de l’entreprise peut être engagée sur le fondement de la responsabilité pour faute (article 1240 du Code civil) ou sans faute (théorie des troubles anormaux de voisinage).

La société peut être condamnée à réparer les dommages causés aux personnes et aux biens. Elle peut notamment devoir indemniser :

– Les collectivités locales pour les frais de dépollution

– Les riverains pour les préjudices subis (perte de valeur immobilière, impossibilité d’utiliser un puits, etc.)

– Les associations de protection de l’environnement pour le préjudice écologique

La responsabilité civile des entreprises en matière environnementale a été renforcée par la loi sur la responsabilité environnementale de 2008.

Les sanctions pénales encourues

Le Code de l’environnement prévoit des sanctions pénales en cas de pollution des eaux :

– Jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende pour le délit de pollution des eaux

– Jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende en cas de rejet ayant entraîné des effets nuisibles graves et durables sur la santé ou la flore/faune

– Des peines complémentaires peuvent être prononcées : interdiction d’exercer, fermeture d’établissement, etc.

La responsabilité pénale peut être engagée contre les personnes physiques (dirigeants) mais aussi contre la personne morale de l’entreprise.

Le principe du pollueur-payeur

Ce principe, inscrit dans la Charte de l’environnement, impose aux entreprises de supporter le coût des mesures de prévention et de réparation des atteintes à l’environnement.

Il se traduit notamment par :

– L’obligation de remise en état du site pollué

– Le paiement de redevances pollution aux agences de l’eau

– La constitution de garanties financières pour certaines installations classées

La prévention des risques de pollution

Face aux risques juridiques et financiers, les entreprises ont intérêt à mettre en place une politique de prévention :

– Réaliser des audits environnementaux réguliers

– Former le personnel aux bonnes pratiques

– Investir dans des équipements de traitement des effluents performants

– Mettre en place un système de management environnemental (norme ISO 14001)

– Souscrire une assurance pollution

L’évolution de la jurisprudence

La jurisprudence tend à renforcer la responsabilité des entreprises en matière de pollution des eaux :

– Reconnaissance du préjudice écologique pur (arrêt Erika de 2012)

– Extension de la responsabilité à la société mère pour les faits de sa filiale

– Admission plus large de l’action en justice des associations environnementales

– Durcissement des sanctions prononcées

Les enjeux futurs

Plusieurs évolutions sont à prévoir dans les années à venir :

– Renforcement des normes de rejets pour certains polluants émergents (résidus médicamenteux, perturbateurs endocriniens…)

– Développement de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises

– Meilleure prise en compte des pollutions diffuses d’origine agricole ou urbaine

– Développement des actions de groupe en matière environnementale

La responsabilité des entreprises en cas de pollution des eaux ne cesse de se renforcer. Face aux risques juridiques et financiers croissants, les sociétés ont tout intérêt à mettre en place une politique de prévention efficace et à intégrer pleinement les enjeux environnementaux dans leur stratégie.